Clarifiez votre dessein
«La première chose à faire, c’est de bien identifier votre intention », conseille Régine Danet, consultante en ressources humaines et ancienne DRH. Trop souvent, l’intention est biaisée, comme lorsque le manager entend l’utiliser pour régler ses comptes.

La seule intention qui vaille quand on met en place ces entretiens, c’est : « Comment moi, qui ai la responsabilité de personnels, je vais pouvoir accompagner ces derniers pour qu’ils remplissent exactement ce que j’attends d’eux ? », formule Régine Danet. Pascaline Malassingne, enseignante et formatrice en communication/management et autrice du livre Conduire avec succès un entretien d’évaluation (éd. Eyrolles), abonde : l’objectif du manager est de trouver le moyen de « donner envie à ses collaborateurs d’avoir des compétences, d’évoluer, sinon ceux-ci tombent dans la routine et finissent par en avoir assez ».

C’est donc le désir de performance (au sens large, ce n’est pas que la rentabilité) qui sous-tend le souhait d’organiser des entretiens annuels d’évaluation au cabinet. Pour le chirurgien-dentiste/manager, il s’agit, via cet...

outil, d’aligner les membres du personnel sur les enjeux du cabinet, de les mobiliser, de les fédérer autour d’eux. Utilisé à bon escient, l’entretien annuel d’évaluation peut donc avoir une grande force stratégique.

Préparez l’entretien
Mener à bien ce rendez-vous demande un gros travail de réflexion en amont. Veillez à travailler dessus toute l’année. Cela vous évitera déjà de bloquer sur une erreur récente de votre salarié(e), peu représentative.
«Ce n’est pas parce que la personne s’est gamellée de façon phénoménale les deux mois précédents qu’il faut tout centrer dessus », illustre Pascaline Malassingne.

« Pour vous préparer, utilisez la « méthode du petit carnet « , avise-t-elle. Notez-y les situations – positives ou négatives – que vous repérez, la date ». En comparant avec l’entretien précédent, et en vous appuyant sur une grille d’entretien, vous serez à même de mettre en évidence les réalisations de vos salariés, de recenser les écarts par rapport aux objectifs, les causes de succès et d’insuccès, mais aussi de réfléchir à de nouveaux objectifs à leur fixer et aux moyens à mettre à leur disposition.
Incitez aussi vos salariés à y réfléchir. Informez-les tôt du lieu, de la date, de la durée de l’entretien, de son déroulé. Fournissez-leur la grille d’évaluation. Mieux vous préparerez tous deux l’échange, plus il sera constructif. À défaut, vous passerez à côté de ce moment. Si vous, manager, considérez qu’il n’y a qu’à « reprendre l’entretien de l’année précédente, réécrire pareil et faire signer », alors renoncez-y, prévient Régine Danet, car « ça ne sert à rien ». De même, si le salarié arrive le jour J sans s’être préparé, autant  « remettre l’entretien », si c’est dû au manque de temps, ou « l’annuler », si c’est dû à un manque de volonté, explique Pascaline Malassingne. 

Ne négligez pas le cadre 
Tout doit participer à ce que l’entretien soit « un moment dédié, privilégié, déconnecté de la vie quotidienne », conseille Régine Danet. L’environnement a ainsi un impact non négligeable. Réfléchir au « bon endroit » et au « bon moment » pour conduire l’entretien n’est pas anodin : cela peut contribuer au bon déroulé de cet exercice à grands enjeux.
Le bon endroit, c’est un environnement plutôt « neutre », comme une salle de réunion. Si certains conseillent d’absolument éviter le bureau du chef qui a souvent une grosse charge solennelle, Pascaline Malassingne nuance : « Pour certains, c’est un cadre qui leur est familier, donc ils sont moins intimidés ». Quoi qu’il en soit, il faut que le lieu soit calme, et ni trop formel, ni trop informel.

Quant au bon moment pour l’entretien, c’est « obligatoirement sur les heures de travail, avertit Pascaline Malassingne, car il s’agit d’un acte professionnel ». Toutefois, il est important de l’organiser en dehors de toute contrainte professionnelle. C’est la condition sine qua non pour que les deux parties puissent s’y consacrer pleinement. De manière générale, pour la même raison, veillez à prévenir toute potentielle source de dérangement : fermez la porte, éteignez votre téléphone… « Coupez tout ce qui peut nuire à la relation avec votre collaborateur», suggère Régine Danet.

Favorisez le dialogue
Le premier bénéfice de l’entretien ? « Pouvoir se dire les choses, avance Régine Danet. Nous sommes souvent dans la fuite en matière de communication. Il y a beaucoup d’échanges, mais très peu d’humanité ». L’entretien peut y remédier… à condition que vous maîtrisiez certains aspects de communication.

Veillez déjà à ne pas monopoliser la parole. L’entretien, tout au long de ces différentes phases (accueil, bilan, évaluation, état des lieux des besoins, objectifs, conclusion), doit être une savante alternance entre écoute active et temps de parole. Il est par exemple intéressant de laisser la parole à votre salarié lors du bilan : il analysera de lui-même ce qui a retardé l’atteinte des objectifs, évoquera la nécessité d’améliorer certains aspects de son travail… Votre rôle sera d’écouter activement, de prendre note (pour reformuler), de faciliter l’expression par un questionnement factuel qui « suscite la réflexion », analyse Régine Danet.

Veillez aussi à vous centrer sur des faits, s’accordent à dire les deux professionnelles du management. « C’est la seule preuve donnée à l’autre qu’on le met sur un pied d’égalité, fait valoir Pascaline Malassingne. L’autre peut amener des preuves du contraire. Le cas échéant, il ne peut pas se défendre et devient vite frustré ». C’est la meilleure façon de faire accepter la critique : « Une critique se fait sur du constatable ou de l’observable et oriente les interlocuteurs vers une entente. Un jugement se fait sur des valeurs et provoque une réaction de défense extériorisée (objections, conflits) ou intériorisée (rancœur, démotivation, perte de confiance) », écrit-elle. Gardez bien à l’esprit que vous évaluez votre collaborateur sur son travail, pas sur sa personne.

Assurez le suivi
« L’entretien ne sert à rien s’il n’y a pas un suivi des objectifs fixés, affirme, catégorique, Régine Danet. Si vous n’en prévoyez pas, ce n’est pas la peine de faire passer un entretien, c’est perdre du temps, de l’énergie, ça démobilise ». De fait, l’entretien annuel d’évaluation n’a de sens que si vous ne le classez pas sans suite ! Normalement, si l’entretien a été bien mené, les objectifs fixés (personnels, quantifiables, atteignables) ont été traduits en un plan d’actions concrètes, avec des contraintes de calendrier. Il vous appartient de veiller à la réalisation des objectifs, de mettre en place des actions correctives si besoin, de vous assurer que les moyens à disposition de vos collaborateurs sont suffisants. Il ne s’agit pas ici de les « fliquer », ni de les « materner », mais de les accompagner dans l’atteinte de ces objectifs. N’oubliez pas que vous vous y êtes engagé lors de l’entretien. Ne laissez pas votre salarié(e) livré(e) à lui-même : ce serait démotivant pour lui/elle… et décrédibilisant pour vous.

Concrètement, il appartient « au manager et au salarié de prendre rendez-vous, dès la fin de l’entretien », explique Pascaline Malassingne. N’hésitez pas à fixer des points d’étapes intermédiaires. Évidemment, cela ne vous dispense aucunement de reprendre le suivi quotidien via la méthode du petit carnet.

Cet article est réservé aux abonnés.