Afin de faciliter vos prises de décision, Solutions Cabinet dentaire revient sur les motivations ou hésitations couramment avancées.

Pour beaucoup de Français, la crise du Covid-19 semble s’être accompagnée d’une prise de conscience : les industries de santé françaises dépendent de nombreux fournisseurs même pour la fabrication de produits de santé de base tels que des masques de protection. Si cette épidémie remet en cause le système industriel actuel, elle interroge également les modes de consommation de chacun, dans la vie privée comme dans la sphère professionnelle.

Différentes raisons de se tourner vers le Made in France

Ce qui est certain, c’est que pour être durable, un changement de mode de consommation doit être guidé par une réelle motivation. « Se tourner vers le Made in France relève pour moi d’une volonté, d’une éthique personnelle », révèle le Dr Catherine Rossi. Or, depuis plusieurs années, de nombreux consommateurs semblent décidés à privilégier les productions nationales, voire locales. Et au regard des contenus publiés par la presse généraliste, la crise du Covid-19 pourrait avoir encore augmenté l’intérêt des consommateurs pour le Made in France. Mais quelles motivations pousseraient la population à privilégier des produits fabriqués dans le pays ?

Dans le contexte épidémique actuel, qui a amené des risques de pénuries, on peut imaginer que des consommateurs souhaitent privilégier le Made in France dans l’objectif de soutenir l’autonomie industrielle française. Cet...

argument n’est en fait pas nouveau. En 2017, 93 % des consommateurs du pays estimaient déjà qu’acheter un produit fabriqué en France était une manière de soutenir les entreprises françaises (1). « Acheter du matériel chez un prothésiste implanté à proximité du cabinet relève pour moi d’une volonté de sauver un savoir-faire français », poursuit le Dr Rossi.

D’autres types de motivations militantes sont parfois avancées par les consommateurs afin d’expliquer leur intérêt pour le secteur du Made in France. 86 % des Français estimeraient par exemple qu’acheter un produit fabriqué en France garantirait une fabrication selon des normes sociales respectueuses des salariés. 87 % des consommateurs du pays pensent également que privilégier le Made in France contribuerait à la sauvegarde de l’environnement.

Mais surtout, la qualité des produits français constitue un argument décisif pour beaucoup de consommateurs.

Des atouts certains

Les produits fabriqués en France sont en effet souvent considérés comme des produits d’une grande qualité, voire de luxe, et ce même dans certains pays étrangers. Dans le secteur des dispositifs médicaux (DM), c’est notamment la raison pour laquelle la France, d’après le Pipame, est « le 2e acteur européen et le 4e acteur mondial pour les technologies et les dispositifs médicaux », les quelque 1 300 entreprises françaises du secteur exportant de nombreux produits, employant plus de 85 000 personnes et ayant généré en 2017 un chiffre d’affaires de 28 Md€. Le secteur du DM français semble donc loin d’être en déroute. C’est que ce secteur bénéficie d’un savoir-faire très recherché notamment pour la fabrication d’implants (prothèses), d’aides techniques, de systèmes de chirurgie mini-invasive et de consommables. « Les DM français apparaissent par ailleurs rassurant dans la mesure où ils répondent à des normes que l’on connait, à des standards de qualité et de sécurité clairs», indique le Dr Rossi.

La recherche et le développement sont aussi des points forts des entreprises françaises : celles-ci semblent particulièrement créatives, et les dispositifs qu’elles commercialisent apparaissent singulièrement innovants. Car la France constitue un pôle scientifique et d’ingénierie où des DM marquants ont été inventés. Les départements de recherche et de développement de diverses entreprises françaises sont par ailleurs dynamisés par leur légèreté (la plupart des entreprises françaises de DM sont des petites ou moyennes entreprises) ainsi que par leur proximité avec les consommateurs. « Le dialogue avec les utilisateurs, avec les chirurgiens-dentistes, permet de faire évoluer les gammes de produits, de les amener à répondre à des exigences très précises, de les enrichir d’instruments presque personnalisés », indique Arlette Lefrancq-Lumière, directrice de Nichrominox, entreprise qui conçoit et fabrique du matériel d’art dentaire au même titre que d’autres sociétés françaises comme Acteon, Airel, Anthogyr, Biotech Dental, Dental Hi Tec, Elsodent, Gamain, Global D, Meunier Carus, Micro-Mega, Septodont, Société des Cendres…

Cette proximité avec les consommateurs constitue également un argument de poids auprès des clients des entreprises françaises. « Elle facilite les commandes et réduit les délais de livraison », explique Arlette Lefranq-Lumière. Cette proximité passe également par des services après-vente efficaces. Or les entreprises de DM présentent des positionnements souvent fortement ancrés sur l’après-vente, révèle une enquête du Pipame réalisée en 2017.

Le coût de la fabrication française

Cependant, bien que de nombreux consommateurs affirment que la qualité d’un produit est le premier critère susceptible de guider leurs achats, un frein à la consommation de matériel Made in France couramment avancé concerne le coût de ce dernier. Par rapport aux chaînes de production implantées dans des pays étrangers et en particulier en Asie du Sud-Est, des surcoûts sont en effet générés en France par les taux horaires des salaires des employés, par des charges salariales importantes, par la couverture sociale des ouvriers : la main d’œuvre française coûte plus cher que la main d’œuvre indienne, thaïlandaise ou chinoise, par exemple. « Les produits Made in France sont en moyenne 10 à 20 % plus chers que les produits fabriqués à l’étranger également pour des raisons relatives à leur cahier des charges », estime ainsi Arlette Lefrancq-Lumière.

Des écarts de prix varient toutefois en fonction de l’origine des produits. Si les DM chinois, par exemple, apparaissent beaucoup moins coûteux que les DM français, ce n’est pas le cas de produits européens ou américains, dont les frais de transports contribuent à augmenter le prix.

Le coût du Made in France pourrait par ailleurs être abaissé par l’adoption de deux stratégies : l’automatisation des chaînes de production et la diminution des marges des industriels. « L’image de la chirurgie dentaire semble aussi parfois provoquer l’augmentation du prix de certains produits, ce problème pouvant être rapidement résolu par l’engagement des fabricants et des distributeurs », affirme le Dr Rossi.

Un manque de transparence ?

La praticienne pointe par ailleurs un autre frein à la consommation de matériel Made in France par les chirurgiens-dentistes : le manque de clarté affiché par certains catalogues concernant l’origine des produits proposés. « Lorsqu’un dentiste ou assistant dentaire souhaite commander des produits, il n’a pas le temps d’effectuer des recherches pour chaque instrument ou consommable dont il souhaite faire l’acquisition. Afin de faciliter l’achat de produits fabriqués en France, les industriels ou les distributeurs pourraient faciliter la lecture de la provenance du matériel », explique-t-elle.

Une marque de certification apparaît particulièrement fiable : la marque NF, délivrée par Afnor Certification.

Alors que 92 % des Français souhaiteraient être informés de la provenance des produits par un marquage spécifique (2), un autre défaut de clarté se fait sentir : celui de la définition même d’un produit fabriqué en France. Le ministère de l’Économie rappelle en effet que la notion de « Made in France » ne correspond pas à un marquage unique et spécifique. « En Europe, le marquage de l’origine des biens non alimentaires est facultatif », rappelle-t-il dans un guide destiné aux entreprises (3). Les chaînes de production pouvant être très complexes et réparties dans plusieurs pays, le gouvernement précise qu’un produit prend l’origine du pays où il a subi sa dernière transformation substantielle : un instrument de chirurgie dentaire dont seul l’assemblage final a été réalisé en France pourra donc être considéré comme un produit fabriqué en France, au même titre qu’un produit construit dans le pays de A à Z, qui ne bénéficie pas d’un marquage spécifique.

De nombreux labels et marques de certification ont cependant vu le jour, leur multiplication ne permettant toutefois pas de les distinguer facilement les uns d’entre les autres. Néanmoins, une marque de certification apparaît particulièrement fiable : la marque NF, délivrée par Afnor Certification.

La production française quantitativement insuffisante

Enfin, passer intégralement au Made in France pour tout son matériel d’art dentaire semble difficile, voire impossible : certains produits ne sont fabriqués par aucune entreprise française… À l’heure actuelle, les chirurgiens-dentistes semblent donc toujours dépendants, pour l’achat de dispositifs médicaux d’entreprises étrangères, dont certaines ont racheté des sociétés françaises : « ces rachats ont été massifs pendant vingt ans », indique un fournisseur. Suite à la crise du Covid-19, cette situation pourrait cependant changer rapidement. « Les consommateurs ont le pouvoir de changer l’industrie », conclut le Dr Rossi.

1. Ifop pour Pro France, septembre 2017.
2. Novembre 2017 : le guide du marquage d’origine de la direction générale des entreprises (DGE), édition 2016.
3. Le guide du marquage d’origine, édition mars 2018.

Cet article est réservé aux abonnés.