La prothèse à selles disjointes apporte une solution prothétique qui répond aux objectifs recherchés pour les édentations terminales en accompagnant les déplacements de la selle lors de la fonction.

La réalisation d’une prothèse amovible sur implants trouve son indication dans les cas où il est impossible de placer des implants dans les secteurs postérieurs, interdisant ainsi une restauration fixée. De telles réalisations prothétiques se caractérisent par des éléments d’appui, tissu ostéo-muqueux, implants qui, lorsqu’ils sont soumis à des forces, ont des déplacements respectifs très opposés, de 2 000 microns pour les tissus, et 10 microns pour l’implant. Cette disparité est encore plus importante dans les cas de prothèse partielle amovible en appui mixte dents, tissus ostéo-muqueux, implants, puisque le déplacement axial de la dent est estimé à 100 microns. Ces facteurs causent des déséquilibres entraînant fractures et autres désordres. Concevoir et réaliser des PACSI  et des PAPSI représente ainsi, sur le plan mécanique, un véritable challenge ! L’intégration d’une prothèse amovible (partielle ou complète) en double ou triple appui impose donc l’utilisation d’un système prothétique spécifique.  

1.Etat des lieux

Un rapide inventaire (non exhaustif) des PACSI et PAPSI permet de faire une approche analytique des réalisations le plus souvent pratiquées.

1. PAPSI : prothèse amovibles partielles sur implants
Les PAPSI peuvent être de deux catégories, soit avec un double appui, tissus ostéo-muqueux et implants, soit avec un triple appui, dents, tissus, ostéo-muqueux et implants. Pour chacun de ces concepts, une analyse mécanique basique nous montre comment se comporte la prothèse sous l’effet des forces de mastication.

Pour ce cas (Figu.1), le positionnement des implants induit un axe de rotation passant par les deux fixtures, provoquant, pour la prothèse, un déplacement selon cet axe, avec une compression postérieure au niveau des selle. La conception de cette prothèse (Figu.2) entraîne, lors de fonction, une double traction sur le pilier implantaire et sur la dent pilier postérieure, côté opposé à l’édentation.  Pour les PAPSI, la grande majorité des réalisation prothétiques proposées sa caractérise par la création de forces de tractions sur les piliers, dents et (ou) implants en corrélation avec des phénomènes de résorption des tissus ostéo-muqueux.


1.2 PACSI : prothèse amovibles complètes sur implants
L’analyse des réalisation habituelles montre que :
– pour les prothèses placées sur barre (Fig.3), les déplacements créés lors de l’exercice des forces de mastication entraînent une rotation de la prothèse autour de la barre, rotation qui crée une compression au niveau postérieur de la prothèse,

– pour les prothèses sur attachements (Fig.4), si elles présentent une certaine amélioration de la stabilité et de la rétention, ainsi qu’un coût global du traitement réduit, la résorption osseuse postérieur va se poursuivre du fait de l’absence d’appui implantaire, et, à terme, le patient éprouve de grandes difficultés pour stabiliser sa prothèse…

– pour les prothèses réalisées sur barre fraisée (Fig.5), il y a fixité de la prothèse sur la barre placée sur les implants. Lors de la mastication les forces exercées sur les selles postérieurs (en extension) entraînent des contraintes nocives pour les implants de par l’effet « décapsuleur Â» lié au porte-à-faux créé.  

En conclusion, le même constat et à faire pour les PAPSI et les PACSI : les réalisation prothétiques proposées génèrent des forces de tractions sur les piliers, implants et dents, avec des phénomènes de résorption des tissus ostéo-muqueux.

Fig.3 : PACSI sur barre de conjonction. / Fig.4 : PACSI sur attachements type Locator. Fig.5 : PACSI sur barre fraisée.

2. Conditions et exigences bio-fonctionnelles

La clinique des PACSI et des PAPSI nous montre que les réalisations proposées sont assimilables à des prothèses amovibles de classe I et II. Un rapide rappel des principes fondamentaux des prothèses partielles amovibles avec selle libre postérieure permet de situer les conditions et exigences nécessaires pour les bons résultats cliniques des
PAPSI et des PACSI.

2.1. Toute prothèse est soumise aux principes cliniques et mécaniques
Ces principes régissent les édentations terminales :
Рla dualit̩ tissulaire, illustr̩e par le sch̩ma de Steiner (Fig.6),
– les déplacements de la selle, causés par les forces de mastication, (Fig.7) se font selon un mouvement de bascule qui entraîne des pressions au niveau des tissus ostéo-muqueux, avec des charges croissantes en allant vers la partie la plus distale de l’édentation et des efforts de traction au niveau des piliers,
– l’incidence des différentes lois biologiques et physiologiques qui gèrent les pressions :
Рen fonction de leur intensit̩ (lois de Bose),
Рselon leur dur̩e (lois de Jores),
Рselon leur r̩partition (lois de Leriche et Policard).

Ces lois mettent en évidence l’importance de la stimulation des tissus ostéo-muqueux, puisque des excès ou des absences de pressions entraînent ostéolyse et résorption, alors qu’à l’opposé, des pressions même fortes mais avec des temps de repos sont des facteurs d’ostéogenèse et de stabilisation.

2.2. En ce qui concerne l’aspect de la mécanique de la prothèse, au sens de la « mécanique de son fonctionnement Â», il est nécessaire de rechercher une solution qui accompagne les déplacements de la selle lors de la fonction

La matérialisation d’un tel objectif passe par un concept prothétique qui réponde, de par ses principes mécaniques, aux lois biologiques et physiologiques, ceci permettant d’obtenir une prothèse bio-fonctionnelle qui évite les déséquilibres qui entraînent la mobilisation des piliers, dents et implants, ainsi que la résorption sous les selles. La prothèse à appuis disjoints (ou prothèse à selles disjointes), de par sa structure et sa fonction, répond totalement à ces définitions et exigences.

3. Un concept biofonctionnel : la prothèse a appuis disjoints

Toute prothèse est constituée d’un châssis comprenant les éléments de rétention, de selles supportant les dents de remplacement et d’une liaison assurant la jonction entre la selle et le châssis.
La nature de cette liaison permet de différencier les concepts qui sont au nombre de quatre :
Рle concept rigide, avec une liaison distale directe selle/ch̢ssis (en distal du crochet), (Fig.8),
– le concept semi-rigide, avec une liaison indirecte (Fig.9),
Рle concept flexible, avec une liaison avec attachement-rupteurs, ̩l̩ments pr̩fabriqu̩s (Fig.10),
– le  concept amorti-disjoint qui se caractérise pas une liaison indirecte particulière, avec connexion distale avec la salle, l’ensemble selle/barre de jonction résultant d’une préforme spécifique (Fig.11).

L’expérimentation a monté que chaque concept avait un comportement très différent au niveau des contrainte exercées sur les piliers. Les deux concepts les moins traumatogène sont le concept semi-rigide et le concept amorti-disjoint (Fig.12). La différence de comportement entre ces deux systèmes prouve le bien-fondé du concept amorti-disjoint qui permet trois fois moins de contraintes sur le pilier que le concept semi-rigide, avec une surface d’appui de la selle trois fois plus importante et mieux répartie.

La visualisation faite par modélisation mécanique montre que les déplacements respectifs du concept semi-rigide (déplacement selon un axe de rotation qui se situer au pied de la potence du crochet) (Fig.13) et du concept amorti-disjoint (déplacement de façon homothétique selon un mouvement de translation) (Fig.14).

Le mouvement de translation homothétique de la selle du concept amorti-disjoint crée les facteurs de stimulation nécessaire et suffisants pour s’opposer aux phénomènes de résorption tout en préservant les piliers. La clinique montre, pour le concept amorti-disjoint, l’obtention constante :
– d’une absence de nécessité de rebaser,
Рde la pr̩servation des dents piliers
– du maintien de la DVO

La prothèse à appuis disjoints apporte donc une réponse positive pour solutionner l’obtention d’un système prothétique qui accompagne les déplacements de la selle lors de la fonction.

Fig.12 : Tableau comparatif des forces exercées sur les piliers selon les différents concepts amorti-disjoint, attachements-rupteurs, semi-rigide, rigide. / Fig.13, 14 : Visualisation des déplacements respectifs de la selle pour le concept semi-rigide et le concept amorti-disjoint

Fig.15, 16, 17 : Cas clinique avec quatre implants et quatre couronnes céramiques fraisées. Fig.18, 19 : Le châssis avec selles disjointes et la prothèse terminée.

4.1. Pour les PAPSI
CAS 1 : PAPSI AVEC DOUBLE APPUI, IMPLANTS ET TISSUS OSTÉO-MUQUEUX

Pour ce cas d’édentation mandibulaire de classe I qui présente une résorption très importante, il a été possible de placer quatre implants en sites 44, 43, 33, 34. (Fig.15, 16). Des couronnes céramiques fraisées, vissées sont placées sur les implants (Fig.17). La rétention rigoureuse (et esthétique) du châssis repose sur les fraisages. La prothèse terminée permet le remplacement de toutes les dents et confère des possibilités de mastication parfaites (Fig.18, 19).


CAS 2. PAPSI AVEC TRIPLE APPUI, DENTS, IMPLANTS ET TISSUS OSTÉO-MUQUEUX
Ce cas de prothèse maxillaire subtotale (deux dents restantes, 12 et 13) a été traité avec l’apport de quatre implants en situations 11, 21, 22, 23 (Fig.20). Chaque implant a reçu un inlaycore vissé (Fig.21). Quatre couronnes céramiques sont réalisées (Fig.22), 22 et 23 étant fraisées. Le châssis est réalisé (Fig.23), avec deux selles disjointes. La prothèse terminée est une prothèse dento-implanto-muquo-portée (Fig.24).

Fig.20, 21 : Le cas clinique. Mise en place des implants et des inlays-core. / Fig.22 : Les couronnes en place. / Fig.23, 24 : Le châssis. La prothèse terminée. / Fig.25, 26 : Les implants. La barre de liaison entre les implants en bouche.

Conclusion
Nombreux sont les cliniciens qui, parfaitement conscients des difficultés liées aux édentations terminales, ont souhaité des systèmes qui visaient à obtenir la désolidarisation de la selle. Ainsi, l’école de Pasadena écrivait que « la prothèse devrait pouvoir suivre la compressibilité des tissus et permettre une certaine indépendance des selles en extension ».

La prothèse à selles disjointes apporte une solution prothétique qui répond aux objectifs recherchés pour les édentations terminales en accompagnant les déplacements de la selle lors de la fonction. La transposition du concept amorti-disjoint de la prothèse partielle amovible aux PAPSI et aux PACSI répond à une logique thérapeutique prouvée par les travaux de recherche ainsi que par l’excellence des résultats cliniques obtenus depuis plus de 25 ans.

Cette solution offre ainsi un jour nouveau pour la prothèse amovible sur implants et apporte une réponse positive pour l’obtention d’un concept parfaitement bio-fonctionnel pour les PACSI et les PAPSI.