La réalisation d’un faux moignon en composite, préliminaire à la mise en place d’une couronne, peut parfois nécessiter un ancrage radiculaire. Nous nous proposons de détailler, au moyen d’un cas clinique, les étapes nécessaires à la réalisation d’une reconstitution corono-radiculaire, acte codifié HBMD042 dans la Codification commune des actes médicaux (CCAM). Pour guider le lecteur, nous avons choisi de citer les matériels et matériaux utilisés pour ce cas clinique.

Préparation de la chambre pulpaire et du canal radiculaire
Après mise en place du champ opératoire (NicTone Heavy Blue – MDC Dental), la cavité camérale est minutieusement nettoyée à l’aide d’une sableuse humide (Rondoflex – Kavo) avec de l’alumine de 25 µm de granulométrie pour éliminer tout résidu de matériau endodontique (Fig.1).

Le canal radiculaire destiné à recevoir le tenon d’ancrage (ici le canal palatin d’une première molaire maxillaire) est désobturé sur son premier tiers à l’aide de forets de Gates. Le canal est ensuite instrumenté à l’aide de forets calibrés adaptés aux diamètres des tenons en fibre de verre utilisés. Pour éviter une fragilisation de la racine par un alésage excessif, des forets de diamètre croissant sont insérés en douceur sans exercer de pression sur les parois latérales du canal. Le diamètre du dernier foret utilisé déterminera le diamètre du tenon à utiliser. À ce titre, si nous prenons en compte la surface de collage offerte par le tenon, l’utilisation d’un tenon court et de diamètre élevé est préférable à l’utilisation d’un tenon long et de faible diamètre.

Mordançage des surfaces dentinaires
La préparation est mordancée à l’acide phosphorique à 38 % (G-Etch – Elsodent) pendant 20 secondes (Fig.2). Une micro-brosse fine (Microbrush X – Microbrush) est utilisée pour améliorer la pénétration du gel de mordançage dans le logement du tenon.

Fig.1 : Mise en place de la digue, nettoyage de la cavité camérale. / Fig.2 : Mordançage de la préparation.

Le rinçage abondant est complété par un rinçage canalaire à l’aide d’une seringue d’irrigation endodontique rem-plie d’eau (Fig.3). Le séchage doux est également com-plété par un séchage canalaire à l’aide d’une pointe de papier (Fig.4). En effet, l’eau de rinçage a tendance à rester au fond du logement du tenon par capillarité.

Fig.3 : Rinçage du logement du tenon à l’aide d’une seringue d’irrigation endodontique remplie d’eau. Fig.4 : Séchage du logement du tenon à l’aide d’une pointe de papier.

Préparation du tenon en fibre de verre Les tenons présentés dans des emballages individuels offrent l’avantage d’avoir une surface parfaitement propre. Le tenon est prélevé et manipulé à l’aide d’une pince hémostatique courbée (Mosquito – Hu Friedy).

Application de l’adhésif amélo-dentinaire
Notre choix se porte sur un adhésif universel (Heal-bond MP – Elsodent) avec un double mode de polymérisation obtenu par le mélange avec un activateur (Heal-bond MP Activator – Elsodent). L’adhésif est appliqué dans la cavité camérale et dans le logement du tenon à l’aide d’une micro-brosse, avec un geste de frottement visant à faire pénétrer le produit dans les tubuli dentinaires (Fig.5). Les excès sont éliminés à la soufflette et une seconde pointe de papier est utilisée pour éliminer les excès d’adhésif qui pourraient rester au fond du logement du tenon (toujours par capillarité). Le tout est photopolymérisé pendant 20 secondes (Fig.6). Bien que la lampe utilisée soit de forte irradiance (Ultima – Elsodent), l’utilisation d’un adhésif à prise duale nous garantit une bonne polymérisation du produit, y compris dans les zones difficiles d’accès qui n’auraient pas été suffisamment insolées. L’utilisation d’une lampe sans fibre optique facilite grandement l’orientation de la lumière dans les zones postérieures. L’adhésif est également appliqué sur le tenon en fibre de verre (Fig.7) avec élimination des excès à la soufflette.

Une pointe de papier est utilisée pour éliminer les excès d’adhésif qui pourraient rester au fond du logement du tenon.

Collage du tenon et réalisation du moignon
Notre choix se porte sur un composite de reconstitution de moignon à prise duale présenté en seringue bicorps avec embout auto-mélangeur (Core D – Elsodent). Il servira à la fois de moyen d’assemblage du tenon et de matériau de restauration. L’utilisation d’un embout extra-fin permet d’injecter le composite dans le logement du tenon en réduisant au maximum le risque de créer des bulles d’air (Fig.8).

Fig.5 : Application de l’adhésif amélo-dentinaire activé dans la cavité camérale et dans le logement du tenon. / Fig.6 : Photopolymérisation de l’adhésif amélo-dentinaire. / Fig.7 : Application de l’adhésif amélo-dentinaire sur le tenon en fibre de verre. / Fig.8 : Injection du composite de reconstitution de moignon dans le logement canalaire.

La cavité camérale est entièrement remplie de composite et le tenon en fibre de verre est enduit de composite avant d’être inséré dans le logement du tenon jusqu’à la butée (Fig.9). Le caractère thixotropique du composite utilisé permet de reconstituer une forme de moignon sans avoir recours à un moule. Le faux moignon est photopolymérisé pendant 20 secondes sur chacune des faces accessibles avant dépose de la digue.

Pour permettre au processus d’auto-polymérisation de se dérouler correctement, un temps d’attente de 4 minutes est observé avant de procéder aux finitions de la préparation périphérique. Ce temps peut être exploité pour préparer une dent voisine ; ici la deuxième prémolaire a été préparée en vue de sa restauration par un overlay. Les finitions sont effectuées à la fraise diamantée de fine granulométrie (bague rouge) sur turbine (Fig.10). Le composite de reconstitution du moignon présente une aptitude au fraisage identique à celle de la dentine, ce qui simplifie l’étape de finition des préparations. Dans le cas clinique présenté, le petit saignement induit par la préparation légèrement sous-gingivale de la face mésiale a été stoppé par photo-coagulation au laser (Sirolaser Blue – Dentsply Sirona). Une dernière photopolymérisation sous forte irradiance (3 200 mW/ cm2) pendant 5 secondes sur chaque face est effectuée avant la prise d’empreinte.

Fig.9 : Mise en place du tenon en fibre de verre. / Fig.10 : La préparation périphérique après finition avec des fraises diamantées de fine granulométrie.

Réalisation de la restauration d’usage
La couronne périphérique est réalisée par CFAO directe (Cerec Primescan – Dentsply Sirona) en vitrocéramique de basse translucidité pour masquer la dyschromie du moignon (e.max CAD LT – Ivoclar Vivadent).

Assemblage de la couronne
Les limites de préparation légèrement sous-gingivales rendent la mise en place de la digue difficile. Nous avons donc opté pour une colle auto-adhésive (InnoCem – Elsodent) plus tolérante face à l’humidité de la cavité buccale dans les secteurs postérieurs. Pour masquer davantage la dyschromie du moignon, nous choisissons la teinte A2 Opaque.
L’intrados de la couronne est mordancé à l’acide fluorhydrique à 5 % pendant 20 secondes (IPS Ceramic Etching Gel – Ivoclar Vivadent) puis rincé dans une cuve à ultra-sons pendant 3 minutes. Après séchage rigoureux, du silane (Monobond Plus – Ivoclar Vivadent) est appliqué en fine couche sur l’intrados et la couronne est placée pendant 1 minute sur un support chauffant à 68°C (Calset – AdDent) pour améliorer la polycondensation du silane sur la vitrocéramique.

La colle composite est ensuite appliquée dans l’intrados de la restauration (Fig.11) en prenant soin de bien recouvrir toutes les limites périphériques et la couronne est mise en place avec maintien d’une légère pression pendant 30 secondes (Fig.12). Un flash de photopolymérisation permet de figer les excès de matériau qui sont facilement éliminés à l’aide d’une curette de type Mini CK6 (Fig.13). Le résultat final immédiat (Fig.14) montre une très bonne intégration de la restauration grâce au choix d’une vitrocéramique de basse translucidité et au pouvoir très masquant de la colle composite utilisée.

Fig.11 : Application de la colle composite dans l’intrados de la couronne. / Fig.12 : Maintien d’une faible pression pendant 30 secondes. /Fig.13 : Élimination des excès de colle à l’aide d’une curette mini CK6. /Fig.14 : Résultat final immédiat.