La meilleure manière d’appréhender l’intérêt d’une solution autre que devant les tribunaux, c’est bien de percevoir à quel point les conséquences d’une saisine des juridictions civiles et disciplinaires peuvent être lourdes pour les protagonistes. Trouver une sortie satisfaisante, c’est :

  1. Comprendre qu’un conflit passera toujours par une tentative de conciliation obligatoire devant le Président du Conseil départemental de l’ordre (CDOCD), dont il faut maîtriser les enjeux et les risques.
  2. Comprendre qu’un conflit porté devant les juridictions judiciaires ou disciplinaires est rarement satisfaisant pour les parties et lourd de conséquences.
  3. Découvrir que pour chaque type de conflit, il existe bien un mode alternatif de règlement des litiges.
  4. Aboutir, à la suite de la mise en œuvre des techniques de gestion des conflits au sein d’une médiation, à une décision pleinement concertée.

La tentative de conciliation, enjeux et risques.

Lorsque les parties décident de passer outre toute solution amiable à leur conflit, il existe une étape obligatoire, souvent méconnue par eux : celle de la tentative préalable de conciliation.
Dès lors qu’ils rencontrent une difficulté avec un confrère, les orthodontistes se doivent de tenter une conciliation préalable auprès du Président du CDOCD, avant toute action en justice.
On ne badine pas avec cette tentative obligatoire de conciliation en cas de dissentiment entre confrères : refuser de s’y soumettre pourrait en soi constituer un manquement disciplinaire, et...

risquerait d’entraîner l’irrecevabilité des demandes devant les juridictions civiles.
Les praticiens préparent souvent mal cette étape qu’est la conciliation, peu conscients des enjeux et risques qu’elle peut représenter pour eux.

En effet, celle-ci présente un double caractère : 

– Positivement, le Président du CDOCD connaît parfaitement les règles et pratiques professionnelles : son avis en tant que conciliateur sera donc précieux, et permettra souvent de trouver une solution au différend.
– Elle peut aussi être dangereuse car la conciliation peut être l’occasion de porter à la connaissance du Président du Conseil de l’ordre de graves faits qui le conduiront à devoir saisir la Chambre disciplinaire. 

Les juridictions civiles et disciplinaires

Les juridictions disciplinaires peuvent constituer une « arme » redoutable, extrêmement précieuse dans le cadre d’une action en justice. En effet, une sanction disciplinaire peut avoir une incidence sur le fonctionnement d’une société : ainsi, un associé au sein d’une société d’exercice libéral de chirurgiens-dentistes et/ou d’orthodontistes peut en être exclu s’il fait l’objet d’une interdiction d’exercice égale ou supérieure à trois mois. Plus généralement, le simple fait de nuire aux « règles de fonctionnement de la société » peut conduire à son éviction.
Il faut préciser que les principaux litiges soumis aux juridictions judiciaires, et opposant des praticiens, sont des litiges entre associés. Ils sont au surplus fort rares, et cela n’est pas anormal, au moins pour deux raisons :

– D’un côté, les statuts de la société contiennent souvent une clause de non-rétablissement, si bien qu’il est difficile pour un associé de quitter une société, au risque de perdre sa patientèle.
– De l’autre côté, le départ d’un associé supposerait le rachat des parts ou actions du partant, et constituerait donc pour la société ou l’autre associé un poids, voire un risque financier important.

Pour ces deux raisons, les associés supportent donc, malgré eux, une situation tendue, au risque de tout perdre.
Si devant les juridictions civiles, le litige présente aux yeux des parties un intérêt essentiellement financier, devant les juridictions disciplinaires s’y ajoute un aspect psychologique, anxiogène particulièrement fort. Les peines disciplinaires qui sont prononcées peuvent en effet être très lourdes : de l’avertissement, au blâme, à l’interdiction temporaire avec ou sans sursis, jusqu’à même la radiation du tableau de l’Ordre.

Les Modes Alternatifs de Règlement des Conflits

Les MARC se définissent comme « l’ensemble des procédés visant à résoudre des conflits ou des litiges, sans recourir à un juge, notamment par la voie de la conciliation ou de la médiation conduite par un tiers » : conciliation, médiation, arbitrage, transaction, convention de procédure participative… Le choix du mode dépend des enjeux en présence, de l’importance du conflit, de l’existence ou non d’un contrat…
L’arbitrage

L’arbitrage
● Discrétion,
● compétence, expertise véritable des arbitres, maîtrisant parfaitement les pratiques et usages professionnels,
● possibilité de décider que le litige sera tranché en droit, ou en équité.
● délais très courts de l’arbitrage et procédure très souple adaptable aux spécificités du litige,
● maîtrise des coûts, même si cette procédure est chère.

La conciliation Le conciliateur de justice a pour mission « de rechercher le règlement amiable d’un différend ». Elle présente deux avantages : il s’agit d’une procédure totalement gratuite, et le conciliateur est tenu au secret. Le conci-liateur a un rôle plus actif qu’un médiateur : c’est lui qui va proposer une solution et qui va la présenter aux parties pour recueillir leur assentiment.

La médiation
La médiation se définit comme étant l’intervention d’un tiers chargé d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver elles-mêmes une solution au conflit qui les oppose. L’objectif de la médiation est bien de « faire naître ou renaître un lien ». L’on passe d’une logique binaire à une logique ternaire, où les rôles sont totalement redéfinis : on ne parle ainsi plus de parties à un conflit, mais de médieurs (partenaires à la médiation) et d’un tiers médiateur. Les techniques de médiation sont multiples et variées, et dépendent toujours de la personnalité, de la formation du médiateur.
Ces solutions procèdent d’une attitude altruiste, et cela nous permet aussi de comprendre que « vivre en paix n’est pas nécessairement vivre sans conflits, mais avec nos conflits », sereinement. Rien ne sert d’avoir une dent contre son confrère, mieux vaut avoir une oreille attentive !

Technique(s) pour trouver la sortie à un conflit

ÉTAPE 1 : Apaisement du conflit, identification de celui-ci et de ses origines Le conflit constitue toujours une souffrance pour les parties : c’est d’ailleurs parce qu’elle devient insupportable que les parties tentent de trouver une issue amiable à celui-ci.
Dans un premier temps, il s’agit de mettre fin à l’énervement, aux excès verbaux, et à la situation de blocage, et d’apaiser ainsi les parties : c’est tout l’art des tiers (médiateurs, conciliateurs) que d’y parvenir et de créer des conditions propres à permettre à chacun d’exprimer son « ressenti ». Le médiateur appliquera les Principes dits de la Communication non violente, à savoir :

  • Toute situation doit pouvoir être observée objectivement sans jugement de personnes,
  • Chacun doit être mis en mesure d’exprimer son propre ressenti,
  • Chacun doit pouvoir exprimer ses besoins propres,
  • Chacun doit être amené à exprimer ce qu’il attend de l’autre.
    Dans un deuxième temps, comme le conflit apparent ne constitue souvent que la « partie émergée de l’iceberg », il s’agit donc de déterminer les causes réelles du conflit, et pas seulement les faits qualifiables « juridiquement ». Bien souvent, le litige n’est en réalité que la cristallisation d’un conflit très ancien, ne présentant aucune rationalité (raisons affectives, familiales, intimes) ; la composante émotionnelle (peur, colère, jalousie, rancœur, vengeance, humiliation, cupidité, etc.) est souvent non négligeable (parties immergées de l’iceberg).

ÉTAPE 2 : Détermination des objectifs attendus
Il est essentiel de se fixer des objectifs : ainsi, par exemple, dans un litige entre associés, s’agit-il de rester ou partir ? Partir en cédant ses titres ou actions, ou partir en demandant la dissolution de la société : la première solution est de loin la plus raisonnable, la moins onéreuse pour les parties.

Il est très difficile d’obtenir la dissolution d’une société, et si la mésentente n’est imputable à aucun associé, le juge ne peut prononcer la dissolution de la société que si son fonctionnement est paralysé. L’objectif se doit par ailleurs d’être raisonnable, ce qui implique que l’autre soit apte à le comprendre, et l’admettre.
Nécessité enfin de toujours prévoir une solution de rechange, tout simplement anticiper l’échec. C’est le concept de la MESORE (Meilleure Solution de Repli), inventé par deux chercheurs américains : il est en effet indispensable, lors de la phase préparatoire d’une négociation, de définir sa MESORE afin de se protéger de la conclusion d’un accord que l’on pourrait regretter, et tirer le meilleur parti des atouts qu’il a en mains : il faut se fixer « un seuil non négociable ».

ÉTAPE 3 : les éléments d’une négociation optimale
La technique de la « Négociation raisonnée » a été mise au point à Harvard, et conduit à imaginer des solutions procurant un bénéfice mutuel : The Win/Win deal.
Afin de parvenir à cette solution GAGNANT GAGNANT, il faut adopter et respecter quelques principes essentiels :

  • Écouter l’interlocuteur comme on souhaiterait qu’il vous écoute,
  • rechercher les intérêts réels de chacun derrière ses positions,
  • permettre à l’autre de comprendre ses propres besoins,
  • traiter les questions de personnes avant le problème de fond,
  • permettre l’expression des non-dits et des ressentis,
  • accepter d’explorer les idées des autres avant de les accepter ou de les refuser,
  • éviter l’agressivité tout en permettant l’expression des émotions,
  • anticiper l’échec et trouver sa MESORE.

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