Les huiles essentielles, extraits aromatiques des plantes médicinales, constituent le cœur de l’aromathérapie, elle-même partie intégrante de la phytothérapie. Elles sont de composition complexe, renfermant les principes odorants volatils contenus dans les végétaux. Parmi les plus connues, la lavande fine, l’orange douce ou la citronnelle.

Nous assistons aujourd’hui à une redécouverte de l’intérêt de l’utilisation de ces « essences » sur le plan médical, bucco-dentaire et stomatologique, en apportant une vision globale aux maux du patient. Certaines d’entre elles soulagent les douleurs et aident à la cicatrisation ; d’autres accompagneront au long cours les traitements de maintenance parodontaux. Même les douleurs des poussées dentaires des nourrissons et les douleurs dentaires des femmes enceintes trouvent des réponses grâce à ces solutions naturelles.

Mais avant de vous suivre au fauteuil, les huiles essentielles peuvent vous servir à apaiser les patients dès la salle d’attente, tout en prodiguant leurs bienfaits envers votre équipe. Encore faut-il savoir les utiliser en toute sécurité…

1. Disposer d’une thérapeutique scientifiquement prouvée

« Douceur, rigueur, efficacité. » Voici le tiercé gagnant de la médecine par les plantes du XXIe siècle,...

explique Florine Boukhobza, chirurgien-dentiste et pionnière de la phyto-aromathérapie, qu’elle adapte au dentaire depuis plus de 25 ans. « La phytothérapie est une branche de l’allopathie », validée scientifiquement et rigoureuse, au même titre que la médecine conventionnelle.

Une « allopathie douce », mais une allopathie « quand même ! », précise le Dr Boukhobza. Ne vous lancez pas sans formation, les huiles essentielles sont des composés efficaces, qui ne vont pas sans contre-indications.

molécules d'huile

Les préparations se testent toujours à faible dose sur le patient, pour éviter les allergies, mais « il n’y a pas de phénomène d’accoutumance ou de résistance », expose le Dr Valérie Borredon, chirurgien-dentiste au Pian-Médoc, adepte des huiles essentielles en cabinet depuis cinq ans. Les essences diffusées en salle d’attente doivent être soigneusement choisies, la lavande fine, par exemple, très efficace contre l’anxiété, est à proscrire en présence de personnes épileptiques, de femmes enceintes de moins de quatre mois, ou d’enfants de moins de 7 ans.

2. Apaiser les patients et les membres de votre équipe

Les soins sous anesthésie n’ont pas fait disparaître la peur du dentiste. « Les gens nous associent encore trop fréquemment à la douleur, mais le fait est que nous rentrons à l’intérieur de leur bouche », reconnaît le Dr Borredon. Les huiles essentielles peuvent vous aider à changer l’image de l’arracheur de dents en créant une atmosphère de confiance et de bien-être propice aux soins… et ce, dès la salle d’attente. La praticienne girondine détaille sa façon de faire : « Je laisse patienter les patients au moins cinq minutes en salle d’attente, où je diffuse des huiles essentielles de camomille noble et d’Ylang Ylang, aux propriétés hypotensives et relaxantes, afin de les  » enrober « . En sortant de ce sas olfactif, ils sont moins sur la défensive. » Et tout le monde y gagne ! Le patient, libéré d’une partie de son anxiété, récupérera mieux (1), et vos traitements auront plus de chance d’être acceptés.

L’huile essentielle de mandarine vous est aussi conseillée en salle d’attente pour relaxer le plus grand nombre de patients et lutter contre les troubles obsessionnels compulsifs. Pour une personne à l’anxiété forte, la lavande fine sera recommandée, mais en traitement individuel, car l’effet est puissant, « deux gouttes de lavande fine, vous frottez entre vos poignets, et faites respirer au patient en salle d’attente. Il vous reviendra bien plus détendu ! », assure le Dr Borredon (pour une anxiété chronique, une « imprégnation » plusieurs jours avant l’intervention est recommandée). Florine Boukhobza, qui est l’auteur d’un guide pratique Phytothérapie en odontologie (Éd. CdP) ajoute qu’en diffusion dans le cabinet, la mandarine peut devenir un atout pour votre cohésion d’équipe, « notamment pour les grosses journées ! ».

3. Optimiser l’efficacité des traitements

Sur le plan clinique, les huiles essentielles vont vous permettre d’optimiser l’efficacité de vos traitements, mais aussi de lutter contre leurs effets indésirables. Par exemple, en associant une préparation magistrale à une prescription d’antibiotiques pour limiter le risque de candidoses. Le Dr Borredon a soutenu en octobre son mémoire sur la « maintenance parodontale », dans le cadre de sa F.P.U. de phytothérapie et d’aromathérapie en odontostomatologie (2). Elle nous raconte avoir réussi à « stabiliser » une patiente (3) « à qui on avait dit qu’il fallait enlever toutes les dents et mettre des implants… cinq ans plus tard, elle a encore toutes ses dents » !

molécules d'huile
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L’application locale d’huiles essentielles permet d’espacer les séances de maintenance (modulation de la réponse inflammatoire) et soutient le geste mécanique en l’accompagnant dans la durée. La palette des propriétés actives est très large, « antibactérienne, antifongique, antivirale, mais aussi anti-inflammatoire, antalgique, hémostatique et cicatrisante », résume Élisabeth Lanceron, docteur en pharmacie, qui forme des professionnels de santé à l’aromathérapie depuis 2016. Selon elle, les molécules phytochimiques prennent le relais quand la médecine conventionnelle n’a plus qu’un empilement de traitements « agressifs » à proposer. Le Dr Borredon raconte son sentiment d’impuissance devant des patients polymédiqués sur lesquels elle « n’avait pratiquement plus aucune fenêtre de tir ». Prescrire une préparation magistrale adaptée à chaque patient lui permet d’aller « dans sa boite à outils » pour prodiguer son soin « sans les rendre encore plus malades ». Par exemple en limitant le recours à l’Atarax grâce à l’essence de lavande fine.

4. Purifier votre cabinet

Les propriétés désinfectantes des plantes n’ont rien à envier aux produits d’entretien industriels, « l’eucalyptus globulus est très efficace contre le staphylocoque doré », fait remarquer Valérie Borredon. La praticienne n’utilise plus de produits de synthèse pour nettoyer son cabinet – « c’est trop agressif, à la fois pour le patient, avant une chirurgie, et pour mon personnel qui passe la serpillière ». Choisissez, vous aussi, de protéger vos collaborateurs des allergies et des pathologies respiratoires. Ce faisant, vous op-timiserez le triangle personnel-patient-praticien : le stress de votre équipe est aussi contagieux qu’un méchant microbe, ne laissez pas vos visiteurs en devenir les récepteurs ! Envoyez-leur plutôt une vague de zénitude, par exemple mandarinée !

5. Redéfinir votre rapport au travail

À en croire les patients du Dr Borredon, la « phyto » peut faire bien plus pour vous qu’uniquement optimiser vos soins… « J’étais sous tension permanente, un patient tous les quarts d’heure. J’ai commencé à utiliser les huiles essentielles à titre personnel et mes patients m’ont vu changer petit à petit. » C’est donc tout naturelle-ment qu’en 2015, Valérie Borredon intègre « l’allopathie douce » à sa pratique clinique quotidienne. Les patients sont conquis. « Au final, c’est une façon de vivre beaucoup plus calme, témoigne-t-elle. Un dentiste heureux fera des patients heureux. Et je suis plus efficace. » Il vous faudra une période de rodage pour inclure l’art de soigner par les plantes à votre exercice, mais le jeu en vaut la chandelle. Il risque également d’être passionnant. Depuis qu’elle a entamé sa formation avec Florine Boukhobza, la praticienne de 53 ans redé-couvre le plaisir d’apprendre, au sein d’un domaine de recherche dynamique, en pleine expansion, « à chaque fois que je sors de mes cours, mon mari me dit que j’ai l’air passionnée. Mais c’est beaucoup de travail. On ne peut pas jouer la bonne musique sans avoir fait ses gammes » ! Et cette musique est entraînante…

NOTES
(1) Voir l’étude « Association between psychological health and wound complications after surgery », https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/bjs.10474
(2) Formation Post Universitaire de phytothérapie et d’aromathérapie en odonto-stomatologie, fondée et dirigée par le Dr Florine Boukhobza, avec une équipe composée d’une douzaine d’enseignants.
(3) Cette patiente est le sujet clinique de son mémoire.

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