Prenez le temps de connaître votre prothésiste

Vous avez l’expertise pour poser un diagnostic et proposer une restauration dentaire à votre patient, mais qu’il s’agisse d’une prothèse amovible, d’une couronne, d’un onlay ou d’une facette, cette restauration doit répondre à des impératifs d’ordre biologiques, fonctionnels et esthétiques, et surtout être le fruit d’une réflexion. Vous déléguez la phase de fabrication à un tiers, mais vis-à-vis du patient, c’est vous qui engagez votre responsabilité. Il vous faut donc choisir le prothésiste en qui vous aurez toute confiance. Sur qui jetterez-vous votre dévolu ? Un prothésiste travaillant seul ou une structure comprenant une dizaine de professionnels, voire plus ? Un laboratoire à proximité ou situé à des centaines de kilomètres ? Choisir peut vous paraître un casse-tête. Beaucoup d’entre vous utiliseront le bouche-à-oreille, pour d’autres une rencontre au détour d’un congrès ou parfois tout simplement au bord de la rue sera déterminante. « Cette rencontre doit être un échange et une communication motivée par un travail de qualité et soucieux du bien-être des patients, car il ne faut pas oublier que nous sommes dans le domaine du médical, estime Louis Toussaint, chirurgien-dentiste à Orgeval (Yvelines). C’est évident, un simple coup de téléphone ne suffit pas pour engager une collaboration.»

Allez sur place et visitez les laboratoires

Une fois que votre collaboration est acquise, prenez le temps aussi de vous rendre chez votre partenaire pour visiter son laboratoire. « Un chef de cuisine n’hésite pas d se déplacer au marché de Rungis pour aller à la rencontre des producteurs et voir les produits qui seront dans l’assiette de ses...

clients, fait remarquer Sébastien Milliasseau, prothésiste dentaire, co-gérant du laboratoire AZM à Paris. De la même manière, il m’apparaît logique qu’un chirurgien-dentiste aille voir son prothésiste. Sur le plan humain, c’est lui consacrer une vraie attention. Sur le plan technique, en découvrant son environnement et son équipement, c’est évaluer sa manière de travailler, connaître les difficultés rencontrées et les délais pratiqués. » C’est tout l’intérêt de pouvoir apprécier directement le travail de qualité d’un laboratoire « made in France ». Bien sûr, vous êtes libre d’utiliser des prothèses fabriquées à l’étranger, souvent moins coûteuses, mais vous devez le mentionner sur les devis. Depuis la convention dentaire 2018, le devis doit préciser si le dispositif médical est fabriqué en France. dans un pays européen (UE. EEE. Suisse) ou hors de l’Europe (le pays doit être mentionné) et si tout ou partie de la réalisation a été réalisée en sous-traitance. Enfin, au moment de la facture, vous devrez remettre une feuille de traçabilité au patient.

Soignez votre fiche de laboratoire

Ne vous contentez pas d’une feuille volante pour établir votre fiche de laboratoire (on l’appelle aussi fiche navette, fiche de prescription ou fiche de liaison) en vue de la réalisation du DMSM (dispositif médical sur mesure).

Même si des logiciels proposent des modèles de fiche de liaison il est préférable d’utiliser celles fournies par votre laboratoire afin d’optimiser cette communication. Néanmoins c’est au chirurgien-dentiste de s’assurer non seulement de sa bonne lisibilité mais aussi de son contenu. « Quand on débute une collaboration avec un laboratoire, c’est important d’être protocolaire, de répéter ses gammes de façon scolaire, estime Louis Toussaint. Il est utile d’indiquer un maximum de données, même sous la forme d’un dessin, c’est la meilleure des garanties pour obtenir un travail de qualité ». Une fiche complète de laboratoire qui sera conservée en deux ou parfois trois exemplaires doit indiquer a minima :

  1. l’identification du praticien,
  2. l’identification du patient (codée pour le prothésiste dentaire), l’âge et le sexe,
  3. la date de prescription,
  4. la nature et la description du dispositif à réaliser (couronne, bridge, inlay, facette)
  5. la couleur
  6. les matériaux à utiliser,
  7. les dates des étapes intermédiaires de réalisation,
  8. la date de livraison demandée,
  9. la date de pose de la prothèse,
  10. les éventuels problèmes rencontrés.

Portez un grand soin à la prise d’empreinte

La prise d’empreinte est l’élément fondamental de transmission pour la réalisation des dispositifs prothétiques et constitue une source principale d’erreur dans la communication avec le prothésiste. Aussi bien en clinique qu’au laboratoire, le bon respect des protocoles d’utilisation des matériaux, fournis par les fabricants permet de limiter ces imprécisions qu’il s’agisse de silicone ou même de plâtre. Choix du porte-empreinte, temps de prise, axe de désinsertions sont autant de paramètres qui vont limiter les bulles, les déformations et les tirages.
« En tant que chirurgien-dentiste, nous sommes à même de contrôler la qualité d’une empreinte, aussitôt sa réalisation, qu’elle soit physique ou numérique et si elle n’est pas correcte, il ne faut pas hésiter à la refaire, tout simplement », ajoute Louis Toussaint.

Donnez le plus d’indications possible

Tout travail de laboratoire nécessite d’avoir une fiche de liaison claire et concise mais contenant un maximum d’informations. Reproduire la couleur d’une dent naturelle est un véritable défi, car il faut reproduire à la fois les tissus naturels (émail et dentine) et les caractérisations de surface propre à chaque dent. Les informations concernant la teinte sont donc primordiales et il est difficile de se passer de la photographie.

Pour les grosses réhabilitations, des dispositifs (Arc facial, Ditramax) permettent de donner des indications complémentaires en termes d’orientation spatiale pour une reproduction exacte de la situation clinique et des repères anatomiques. « En ce qui concerne les matériaux, une discussion à double sens permet de les sélectionner en fonction des caractéristiques optiques et mécaniques attendues. En effet, il n’est pas facile de s’y retrouver tant la palette de produits sur le marché est vaste ». Par exemple, le simple mot « céramique » désigne aujourd’hui une multitude de matériaux qui diffèrent selon leurs compositions chimiques, leurs modes de fabrication, leurs propriétés mécaniques ou encore esthétiques.

Communiquez avec des photos

Vous n’avez jamais eu recours à la photographie ? Lancez-vous, cela facilitera votre travail et celui de votre prothésiste. Il n’est pas forcément nécessaire que vous vous équipiez d’un appareil photographique coûteux et sophistiqué, le plus important est d’adapter le type de photo au travail demandé. Les clichés du visage sont importants pour les grandes réhabilitations prothétiques, alors que les photos plus précises sont nécessaires lors de restaurations esthétiques unitaires. Les photos sont aussi très utiles pour la prise de teinte, à condition de respecter des paramètres comme le cadrage, la luminosité et surtout la bonne position des dents de teintier, avec le plus de références possibles

Le numérique en pleine évolution

La conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) va-t-elle remplacer le travail des prothésistes ? « Il est évident que le numérique va s’immiscer de plus en plus dans notre quotidien, souligne Louis Toussaint. On obtient des empreintes de très bonne qualité qu’il est possible d’envoyer directement au laboratoire ou d’exploiter avec des usineuses de cabinet. » Le flux numérique complet est réalisable au fauteuil pour certaines indications en particulier pour les restaurations unitaires et les bridges de quelques éléments. Mais il reste encore l’apanage de praticiens férus d’informatique et capables d’investissement important. On peut imaginer les cabinets de demain tous équipés de caméra optique mais ce sera surtout pour communiquer plus vite et plus efficacement avec les laboratoires. De nombreuses réhabilitations ne peuvent encore se passer des petites mains ou de l’expertise de professionnels pour manipuler des machines de plus en plus sophistiquées de CFAO. Le métier de prothésiste dentaire semble avoir encore de beaux jours devant lu

Jouez la complémentarité

Le succès d’une réhabilitation prothétique passe par un travail d’équipe, l’objectif commun étant un bel ouvrage respectueux des aspects biologiques et mécaniques, et surtout la satisfaction du patient. Pour cela, il est nécessaire de prendre conscience des contraintes et impératifs de son coéquipier. N’hésitez pas à pousser la porte de vos laboratoires partenaires, ce n’est pas du temps perdu, vous y gagnerez ensuite en efficacité.


Témoignage
Louis Toussaint
Chirurgien-dentiste à Orgeval
Ancien Assistant Hospitalo-Universitaire PARIS V


« Les prothésistes sont des partenaires »


«  Le métier de chirurgien-dentiste s’est extrêmement complexifié en particulier avec les évolutions scientifiques et technologiques actuelles. J’ai la chance de travailler dans une structure regroupant plusieurs spécialités telle que l’endodontie, l’implantologie et la parodontie, et qui sont complémentaires de mon activité orientée vers la prothèse restauratrice. Nous réalisons des plans de traitement ensemble, c’est une approche pluridisciplinaire qui facilite le circuit de soins pour le patient. De la même façon, je considère les prothésistes comme des partenaires de cette équipe à part entière. Travailler avec plusieurs laboratoires me permet de couvrir toutes les indications prothétiques et d’utiliser les matériaux ou les protocoles les plus adaptés à une situation clinique, qu’il s’agisse d’occlusion ou d’esthétique. J’ai pu établir une véritable relation de confiance avec les laboratoires, en connaissant leur plateau technique, leurs méthodes de travail, leurs contraintes, j’ai des échanges réguliers avec eux autour des matériaux, des teintes ou tout simplement au niveau de l’agenda !« 


Témoignage
Sébastien Milliasseau
Prothésiste à Paris, AZM France
Meilleur ouvrier de France 2015

« Nous sommes des artisans  »

 » En tant que prothésistes, nous travaillons les métaux, la résine, le plâtre, la céramique, les composites, comme le font les bijoutiers, nous sculptons, gravons, nous transformons la matière. C’est pourquoi nous avons accès au concours de Meilleur Ouvrier de France, au même titre que les autres métiers de l’artisanat, qui reconnaît l’excellence de notre travail. Pour obtenir ce titre, j’ai travaillé plus de 1 500 heures et j’ai présenté la restauration d’une bouche complète chez une patiente accidentée, la reproduction à l’identique de la moitié d’une bouche et enfin un chef-d’œuvre où il s’agit d’exprimer librement l’art dentaire. J’ai réalisé en bronze un chérubin qui tient dans une main la médaille du concours, et dans l’autre tendue vers le ciel, une canine, telle un flambeau de lumière. Le concours a lieu tous les quatre ans, nous sommes aujourd’hui 14 en activité à avoir obtenu le titre de MOF et à porter le col bleu, blanc, rouge. Il existe une association, Smile Référence que j’ai la chance de présider, et dont le but est de faire connaître notre savoir-faire et de promouvoir le sourire « made in France ».

Claire Manicot

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