Il se pourrait que notre futur professionnel soit plus bucolique que nous l’avions imaginé, puisque c’est dans la pollinisation croisée que se trouve l’avenir de nos métiers. Chaque révolution industrielle a été responsable de mutations profondes du mode du travail, de la disparition d’un certain nombre de métiers, tout en donnant naissance à d’autres liés au progrès technologiques ou aux évolutions sociétales. Les métiers naissent comme ils meurent. Les métiers de demain ne sont pas ceux que nous croyons, ils émergent de façon inattendue, imprévisible et souvent débridée.

Il n’est plus temps de croire au tout intégré, car le temps de la mono-disciplinarité est révolu. Nos métiers deviennent trop pointus, évoluent trop rapidement. Vouloir les intégrer porte en germe le risque d’étouffer l’excellence et l’expertise de chacun, voire de se retrouver coincés dans un modèle...

qui deviendra caduc aussi vite qu’il est arrivé. S’il faut prôner la mise en place d’équipes pluridisciplinaires et hybrides, aux compétences transversales, c’est pour qu’elles collaborent réellement à chaque étape d’un projet de réhabilitation globale de santé et qu’elles viennent nourrir vos patients.

L’hybridation des métiers

Les publications sur l’hybridation des métiers sont souvent concentrées dans les domaines numérique et technologique, parce que les exemples y sont évidents et nombreux. On appelle hybridation des métiers le résultat de la combinaison de plusieurs savoir-faire et compétences sur un même lieu. Les métiers hybrides sont des professions qui permettent soit d’exécuter des tâches variées au sein d’un même poste, soit de gérer des situations complexes. Cette hybridation se situe dans la méthode employée pour faire travailler de concert, talents et compétences. En effet, une caractéristique de l’hybridation des métiers est la disparité mais aussi l’homogénéité des savoir-faire présents.

De la même façon que l’apparition des voitures a créé des métiers comme celui de chauffeur, garagiste ou pompiste, la création de métiers adaptés donne naissance à de nouvelles fonctions. On voit aujourd’hui des agriculteurs qui utilisent des drones, des fabricants de boissons qui deviennent restaurateur… et c’est par l’hybridation que s’inventent ces nouveaux métiers.

Une mine d’opportunités et une source de plaisir au travail 

L’hybridation est un choix à la fois stratégique et délibéré, dans une double logique de durabilité et de plaisir au travail, puisqu’elle est motivée par un goût prononcé par la compétence ajoutée. Les croisements et métissages professionnels concernent potentiellement tous les domaines et tous les métiers. Cette possibilité de bouturer et polliniser des métiers pour greffer de nouvelles fonctions est une mine d’opportunités, en particulier pour les multipotentialistes et plus généralement pour tous ceux qui aiment la diversité dans leur quotidien professionnel, mais aussi pour ceux qui peuvent rapidement tourner en rond dans une fonction trop étriquée, trop monotâche pour leurs cerveaux en ébullition.

L’hybridation est une source immense de satisfaction pour eux parce qu’elle est source de variété, de stimulation intellectuelle, d’actualisation régulière des compétences. L’hybridation ouvre un vaste champ des possibles pour diversifier les sources de plaisir au travail : personnaliser une fonction en façonnant son exercice à son goût, redonner du sens à sa carrière, trouver un autre élan. Mais aussi ceux qui aiment être en constante évolution et apprendre sans cesse de nouvelles compétences peuvent y trouver un moyen de se renouveler régulièrement et d’évoluer professionnellement en fonction de leurs centres d’intérêts, en s’appuyant davantage sur leurs appétences que sur leurs compétences. Un extraordinaire avantage pour ceux qui souhaitent rebondir en seconde partie de carrière parce que potentiellement, ils ont suffisamment d’expérience professionnelle pour avoir exploré diverses pistes et pouvoir inventer des hybridations à valeur ajoutée à partir de leurs compétences ou d’une spécialisation dans un autre domaine.

Ces métiers émergents représentent donc des opportunités pour toutes les générations qui cherchent des métiers dans lesquels concilier la diversité de leurs sources d’intérêt, avec à la clé un plaisir au travail décuplé. Ce qui signifie que l’avenir de nos métiers et de l’employabilité passe par une reconversion, même partielle, et que cette tendance que l’on perçoit de plus en plus, confirme que les profils à compétences multiples dans le cadre du monde du travail « rassurent ».

L’art d’hybrider son métier

L’hybridation est non seulement en cours, mais elle est galopante. Ceux qui resteront aveugles à ces évolutions ont de fortes chances de vivre un avenir difficile. Il se pourrait bien que les métiers en voie de disparition ne soient pas exactement des grandes catégories de métiers, mais des métiers non hybridés parce que l’hybridation rend la fonction beaucoup plus difficile à robotiser ou à automatiser.

En développant la transdisciplinarité par la greffe de compétences, sans oublier les compétences humaines, relationnelles, informelles, l’hybridation garantit la durabilité d’une activité professionnelle et sa capacité à fleurir et à prospérer sur les terrains les plus inattendus.

Par l’accélération des évolutions, l’avenir de l’exercice dentaire et la pérennité du cabinet dentaire est criante de difficultés. Les évolutions montrent que les métiers durables ne se trouvent pas dans un claquement de doigt et que chaque métier, même le moins automatisable est au cœur d’un système très complexe qui rend nécessaire d’être très pointilleux sur une veille régulière et attentive pour anticiper les évolutions et sentir les tendances de demain, de façon à orienter les hybridations professionnelles dans plusieurs situations et ne pas rester enfermé dans un système figé par de l’alginate.

Rolland GILLET

 

Cet article est réservé aux abonnés.